Innocent.

Alors qu'elle me supplie en profitant de l'affection que j'ai pour elle, je me décide enfin à tout lui dire. Maintenant, j'ai l'habitude de raconter cette histoire, je sais choisir mes mots pour prendre assez de distance par rapport à tout ce qui s'est passé ; l'avantage du temps qui passe.

Tes blagues en l'air deviendront tôt ou tard des reproches qui me dévoreront. Mais je ne t'en veux pas, tu ne peux pas savoir. I don't care aurai-je l'air de dire.

Je ferai bien attention à tout ce qui sortira de ma bouche à présent, et cette affaire de Leningraad qui ne se veut plus, et le retour d'Archi qui me fait aussi mal qu'une gueule de bois un dimanche matin ; ne vous méprenez pas, Archi n'a rien du retour gagnant, c'est juste le goût amer de la défaite. Dommage.

Leningraad la ville imprenable et ses secrets, je parle je parle, j'en écrirai des romans s'il le fallait, mais que voulez-vous : m'ayant soustrait tout désir de révolte, j'annonce officiellement que je capitule non sans un certain plaisir.

Je commence, doucement il est vrai, à me méfier des écrits sur l'Education Sentimentale, too dangereux. J'apprendrai, à l'avenir, à contenir mes envies de mort littéraire et géographique. Dommage.

Elle se dit contrariée, elle m'attend en culotte sur le bord du bureau. Je me croyais nostalgique mais ce n'est, qu'une fois de plus, la déception d'avoir échoué. C'était, probablement, mieux comme ça.

Et puis dans tous ces défauts que je liste volontiers, j'ai quand même la grande qualité de vous aimer sans condition, même si je ne vous le dirai jamais.

Sa sincérité ne me convainc guère, j'aimerai que tu me dises "tu es canon mais qu'est ce que tu es chiante" il y a des jours où je me sens toute petite, et des jours où je m'impose tellement trop. Dommage.