Se taire était une mesure de survie.



Quand mes rêves se servent des éléments de la journée passée. Mes micros absences me permettent notamment d'inventer des situations improbables avec des ingés son et une régie hautement perfectionnée dans mon propre appartement. Quelle affaire.
On nous parle d'illusions, comme si ça m'intéressait, dois-je vraiment subir les délires d'un vieux philosophe libidineux? Non, je dis non.
J'aime jouer la fille décontract', celle qui n'a peur de rien et qui brave les dangers en serrant les dents. Vous êtes seul et les couloirs sont vides et silencieux. Chaque pas que j'entends devant ma porte me fait frémir ; je sens que c'est bientôt mon tour. On me laisse gésir dans une pièce froide, je m'endors l'espace d'une seconde et me réveille, tremblante sous ma couverture de survie. Secrètement j'ai peur qu'ils pensent que je suis anesthésiée et que l'on m'opère alors que je suis encore toute consciente. Je les vois sortir du matériel dont je ne veux même pas connaître l'utilité. Il m'injecte divers liquides, ma tête tourne, blackout.
On vous demande d'évaluer votre douleur sur une échelle de 0 à 10. Comment pourrais-je le savoir?

Ta nouvelle vie elle vend vraiment pas du rêve. Mais tu es la seule à le savoir. Tu n'oserai même pas le dire tellement tu en as honte. C'est pire encore qu'avoir des obligations, de devoir faire des choix, de se confronter à la déception de l'autre, mais que dis-je. C'est juste l'impasse, le point de non-retour, le vide, le néant. Quand tu quittes l'appartement, quand tu pars, c'est le néant. Plus rien. Juste du rien.
C'est le bad du premier jour, le questionnement perpétuel sur le "comment va-on faire". On ne fait rien, il faut juste accepter que les choses se fassent naturellement, que quoi qu'il advienne, on n'a pas d'autres solutions. Je voulais encore avoir 20 ans et ne pas vivre ici, je voulais retourner au point de départ, mais ce n'était pas possible. Admettons.

Pour certains c'est un sujet qui prête à rire. Pour d'autres, c'est une source d'angoisse. Moi, je suis au milieu de tout ça, entre la peur qui me ronge le creux du ventre et la fatalité de l'événement.
Mais tout peut changer en quelques minutes. Comme on s'adapte. J'ai pas peur.
Je vis comme une sorte de paresseux, comme chaque mouvement me demande une énergie incroyable et me prend 20 minutes de plus qu'à la normale. J'aime assez me comparer à un petit animal. Lucky Lucky you. Je n'irai nulle part. Dommage.

Pendant ce temps-là, il y a eu des tempêtes, le déluge qui s'est abattu sur nous, tu continues à faire ta vie en n'omettant pas de faire ta BA de temps à autre, non pas par culpabilité, juste parce qu'on ne pourrait t'aimer comme tu le désires tant si on savait que tu étais juste égoïste. J'aime assez être un petit fantôme tout triste. Je m'invente une vie de fille qui en veut et qui se laissera pas abattre. Vieille meuf.
Le paradoxe de tout cela, c'est que rester assise me fait atrocement souffrir, mais qu'offrir mon corps me fait un bien intolérable. Pudique c'est un mot que je ne connais plus, je mange des salades au maïs pour avoir au moins la force d'allumer la télé. Le reste du temps, j'admets que mon lit est le meilleur endroit au monde, après ton mini-corps, cela va sans dire.
Sans rancune, je reviens incessamment sous peu, peut-être pas avec la fougue qu'on m'a connu, mais avec au moins autant d'alcool dans le sang. Ce n'est pas un quartier d'orange qui va m'arrêter, soyez-en sûr.

J'allais oublier, se faire et se défaire, c'est un mouvement que je maîtrise avec aisance. En faisant le bilan de ces (au moins) 10 dernières années, je prenais conscience que l'absence est un vain mot tant qu'on n'a pas partagé l'effroi du sang ou de la douleur physique. Moi-même je comprends mal ce que je sous-entends par là, mais les valeurs de jugement ont détruit le peu qu'il restait de nous. Je me sacrifie pour la gloire du peuple, ne crois pas que ce tu fais aujourd'hui est différent de ce que j'ai fait hier ; au fond, il n'y a que le nom qui change.

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