Enter The Void


Enter The Void, c'est avant tout une entrée à la Noé : te rappeler que tu es bien vivant. Un générique de début défilant à une allure phénoménale, de quoi donner envie à certains de porter plainte pour non respect du droit moral.
Admettons.
Paul me fait part de sa feu crainte de s'endormir : je ris mais ce sera la dernière fois dans les 2h40 à venir. Fin des festivités, de la couleur qui flash, des gros caractères qui ma rappellent avec mélancolie Seul Contre Tous, de ce fait, du Gaspar Noé comme on le connaît.

Le synopsis ne me plaisait pas. Mais parce que j'ai aimé Noé, parce qu'il est vrai que dans mon entourage, l'ensemble des avis semblait positif, je me suis laissée allée. A tort.
Au final le sujet n'a aucune importance ; Enter The Void est une expérience. Quelque chose de visuel et sonore, quelque chose que l'on doit vivre avec son esprit, avec ses sens. Malheureusement, cela ne fait pas tout. Mais à voir à la Géode, ce doit être réellement transcendantale. Soit.
Je me suis, je crois, naturellement attachée au personnage d'Oscar. Naturellement puisque c'est "à travers" lui que l'on doit vivre l'expérience. Pourtant, je regrette son absence. J'admets que le relation qu'il entretien avec Linda, sa soeur, me laisse amère ; je ne comprends où veut en venir notre cher Noé.
Parce que oui, vivre une expérience unique est une chose, comprendre le fond de la forme en est une autre. On retrouve les sujets récurrents, les relations parents-enfants, le désir incestueux, la perte violente d'un être lié par la chaire. Admettons. Mais c'est donné tellement légèrement, sans raison apparente, sans radicalité.
C'est comme la dernière demi-heure, cette succession de plans en plongée totale sur des couples forniquant dans le "Love Hotel". Je dois survivre jusqu'à la fin avec cette sensation horrible que Noé n'avait pas remplit son quota "cul", qu'il fallait bien finir par quelque chose, et que ces flux sortant des corps en ébat, c'était vraiment le must.
J'essaie vainement de faire des liens, de me raccrocher aux visions d'Oscar, mêlant passé, présent et futur. J'essaie de comprendre les personnages au travers de ces souvenirs, de ces flashs. Mais rien. Je reste moyennement convaincue par la relation qu'entretiennent Oscar et Linda, cette naïveté étouffante, presque too much. Cette manière insistante de vouloir expliquer la fusion qui existe entre ces deux êtres, blessé par la mort de leur parents. Et c'est là que la forme prend le pas sur le fond, et que je suis déçue. Je n'aime vraiment qu'on me vende une histoire qui n'a aucune importance.
Paul me dit qu'il avait peur que le final se termine sur la fameuse question : Oscar est-il sous trip ou est-il vraiment mort? C'est une question que je ne me suis pas posée ; je crois qu'elle n'a pas lieu d'être. On pourrait croire qu'elle change fondamentalement les choses, mais quoi? C'est ici l'expérience d'une âme qui quitte son corps, alors que le corps soit mort ou vivant, on s'en fout totalement.

Donc que nous reste-il? Et bien, la forme.
Visuellement, c'est exceptionnel. La trip sous DMT vous ferait presque envie, et on regrette l'appel qui nous fait quitter l'incroyable univers dans lequel on vient d'entrer. J'avais peur d'être confrontée à un clip d'hippies ou d'être coincée dans un kaléidoscope. Mais à vrai dire, on se laisse sagement entraîné par ces images, par cette ambiance sonore, et le tout est vraiment réussi.
Les plans de Tokyo sont vraiment fabuleux, aériens et fluides, on apprécierait presque de voir la vie en plongée. Mais en fait non.
Je ne cacherai ma douce admiration pour le Tokyo reconstitué en miniature avec des néons partout. Paul trouve les plans en boite très réussis et j'approuve. On y retrouve la beauté dans le corps de Linda, se courbant à l'infini sur des talons d'au moins 87 centimètres.
Tout est dans la lumière : elle nous attire irrésistiblement dans un autre monde, nous englobe totalement, et nous parait en même temps si irréaliste, si lointaine, qu'elle met une distance entre l'image et le spectateur. J'aime assez ce paradoxe, ou en tout cas la sensation que cela procure lorsqu'on regarde le film. Cette sensation dérangeante de faire parti du film (la séquence de l'accident de voiture est juste monumentale et d'une violence telle que c'est comme si on y était, vraiment) tout en étant exclu par la rapidité ou la construction des plans.
Par contre, je dis non aux flashs incessants qui vous font apprécier le fait de ne pas être épileptique et qui me rappelle l'affreux court-métrage We Fuck Alone que Noé avait réalisé pour le film Destricted, où Katsumi se faisait prendre par tous les orifices le tout construit sur des flashs rapide à souhait et ce pendant au moins 10 minutes.
Alors voilà. On se retrouve face à une impasse. J'apprécie que ce soit un film ni tout blanc, ni tout noir. Il y a matière à dire, c'est évident. Cependant ma déception est grande ; je crois que cela vient du fait que je préfère de loin le fond à la forme, que je peux accepter d'un scénario béton que le résultat ait des défauts techniques, mais que les failles d'un scénario me gênent terriblement même si la forme est géniale.

Enter The Void, ou une entrée dans le vide (finalement c'est le cas de le dire) est une expérience. A vivre, sincèrement. J'avoue qu'il m'a obsédé les jours suivants, j'y ai beaucoup pensé, je me suis sentie habitée par ce film.
Alors on fera abstraction des longueurs, des imperfections, pour le reste on salue la technique qui nous procure, globalement, un très grand plaisir.

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